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La voiture à l'hydrogène va-t-elle enfin se développer ? La Commission Européenne y croit.

Mercredi dernier, la Commission Européenne a annoncé un plan d’investissement et de développement de la pile à combustible à l’hydrogène a l’horizon 2050. Certains constructeurs, comme Toyota, s’était déjà essayé à cette technologie, mais jusqu’à présent sans jamais parvenir à la vendre à grande échelle. En cause, des coûts encore trop élevés et une efficacité très faible.

Pour enfin faire décoller cette technologie, une « alliance de l’hydrogène » vient d’être créée. Elle rassemble des industriels, 14 Etats-membres et des représentants de la société civile. Le but est de créer à terme une véritable filière de l’hydrogène en Europe, a l’image de l’alliance des batteries qui a elle aussi été lancée récemment. Pour y parvenir, les autorités souhaitent assouplir les contraintes encadrant les aides d’État, afin de booster cette industrie, tout en s’assurant que les entreprises privées fournissent le plus gros des investissements.

Les limitations de l’hydrogène

Un rendement encore faible

Le rendement est pour l’instant le principal point noir de la production d’hydrogène. Une voiture à pile à combustible, bien qu’elle carbure à l’hydrogène, est en réalité une voiture électrique : ce sont bien des moteurs électriques qui entraînent les roues. L’hydrogène contenu dans le réservoir, n’est qu’un moyen de stocker l’électricité comme dans une batterie lithium-ion.

La différence vient du fait que, dans le cas des batteries, l’électricité subit très peu de transformations de la centrale à la roue. Dans le cas de la pile a combustible, la chaine est beaucoup plus complexe: l’électrolyse de l’eau (procédé par lequel une molécule d’eau est cassée pour donner, d’une part de l’oxygène, et d’autre part de l’hydrogène), est suivie de l’opération inverse dans le véhicules lorsqu’il roule. Et cela entraîne à chaque fois des pertes d’énergie. De fait, le rendement total est de seulement 35 % à 40 %, moitié moins que les véhicules électriques à batterie (mais les batteries posent d’autres problèmes environnementaux, liés à leur production et à l’extraction du lithium et du cobalt, notamment).

Par ailleurs, les progrès technologiques, actuellement rapides, liés aux batteries pourraient rendre l’hydrogène encore moins intéressant, en comparaison.

Des coûts élevés

Un gros avantage de l’hydrogène, par rapport aux batteries, est qu’il serait possible de faire le plein aussi vite qu’avec de l’essence, contre bien généralement de longues heures pour recharger une voiture électrique.

Cependant, les coûts sont actuellement prohibitifs. Les seules voitures roulant à l’hydrogène actuellement, la Hyundai Nexo et la Toyota Mirai se paient pas moins de 70.000 €. De quoi en décourager plus d’un. Les raisons de ces prix élevés sont nombreuses, les trois plus importantes étant:

  1. Le platine: il sert de catalyseur au niveau des cellules, et à 24.000 euros le kilo (juillet 2020), représente une sérieuse opportunité de réduction de coût si on pouvait s’en passer.
  2. La membrane en polymère qui sépare les électrodes: Elle permet de réduire l’oxydo-réduction, et pour l’instant un seul fabricant japonais est capable d’en fournir de bonne qualité. Un développement de la concurrence dans ce secteur permettrait là aussi de faire baisser les coûts.
  3. Enfin, le réservoir à hydrogène est également un facteur de coût important. Lorsque l’on fait le plein, il faut stocker le dihydrogène a une pression de 700 bars. Cela demande des bonbonnes ultra-résistantes, qui necessitent pas moins de 40 kg de fibre de carbone lors de leur production.
 

Un réseau à créer entièrement

Dernier problème de taille, le réseau de stations à l’hydrogène est pour l’instant inexistant. Les voitures électriques à batterie ne disposent cependant que d’une très faible avance. Certains pays, comme la Norvège, ont déjà commencé à s’attaquer au problème. Une douzaine de stations maillent le sud du pays, avec pour certaines une production sur place de dihydrogène grâce à des des panneaux solaires, ou encore grâce à du biogaz ou comme sous-produit dans la production de chlore. En France, une station d’hydrogène vient d’ouvrir au Mans et devrait alimenter une partie des véhicules publics.

Perspectives d’avenir et plan de la Commission Européenne

Malgré ces limitations, la Commission croit au potentiel de cette énergie. Il est vrai qu’il y a encore beaucoup de choses à faire, la recherche scientifique dans ce secteur a été beaucoup moins importante que pour les batteries, par exemple. Il existe donc un potentiel pour augmenter le rendement de cette filière, et ainsi faire diminuer ses coûts.

Pour y parvenir, l’alliance de l’hydrogène a été fondée officiellement ce mercredi 8 juillet. Elle réunit les industriels (en trois types d’acteurs: la production d’hydrogène, le stockage et le transport de celui-ci, et les potentiels utilisateurs). 14 Etats-membres sont également impliqués (dont la France), ainsi que des représentants de la société civile. Cette alliance vise à créer une véritable filière en Europe, et à réindustrialiser le vieux continent en respectant les impératifs climatiques, a précisé Thierry Breton, le commissaire européen Français.

Ultimement, l’objectif de la Commission est de faire en sorte que l’hydrogène représente de 12 % à 14 % du mix énergétique d’ici à 2050. Pour atteindre cet objectif, il sera nécessaire d’augmenter la capacité de production d’hydrogène, encore marginale aujourd’hui. Les autorités visent 6 GW en 2024 et 40 GW en 2030. Cette croissance nécessiterait des investissements compris entre 180 et 470 milliards d’euros à l’horizon 2050, avec en particulier le développement d’électrolyseurs beaucoup plus grands que ceux qui existent aujourd’hui, afin d’en améliorer le rendement.

En parallèle, les technologies liées au stockage d’énergie dans les batteries continuent de se développer (baisse du coût de quasiment 90% dans la dernière décennie), et il n’est pas certain que l’hydrogène puisse un jour les surpasser.